Romuald Vallée, directeur scientifique et industriel de CODIF Technologie Naturelle

Romuald Vallée

« Nous ne pouvions pas passer à côté d’un programme comme Iodysséus »

Implanté à Saint-Malo, CODIF Technologie Naturelle se présente comme un « créateur de molécules actives » destinées à l’industrie cosmétique en France et dans le monde entier. Particularité, ces molécules sont toutes issues du monde marin et CODIF occupe depuis une quinzaine d’année un rôle pionnier et phare dans la recherches sur les propriétés des micro-algues, dont aujourd’hui une certaine Emiliania Huxleyi ou EHUX : la cible de la première expédition planifiée par Iodysséus. La coïncidence était trop forte : Romuald Vallée, « tête chercheuse » et fonceuse de CODIF a pris la décision de s’engager à nos côtés dans l’aventure Iodysséus. Car c’en est bien une et Romuald en apprécie la dimension humaine. Dans aérosols, lui entend « aéro », comme l’air, et « sol » comme solutions, durables, aussi bien pour la planète Terre que pour ce qu’il appelle notre « planète peau ». On l’écoute.

Je dirais plutôt « du monde marin » car nous utilisons aussi des plantes de bord de mer.

Iodysséus - Qu’est-ce qui motive un acteur international des bioactifs marins en cosmétologie, tel CODIF Technologie Naturelle, à s’embarquer avec nous dans l’aventure Iodysséus : celle d’un programme de course au large dédié à l’impact global des écosystèmes planctoniques ?

Romuald Valléee, Codif TN – Face à l’évolution de nos modes de vie et des besoins en matière de soins et santé de la peau nous devons incessamment innover. Pour cela, il faut impérativement de nouveaux organismes à observer et cribler en laboratoire. C’est  une des trois bonnes raisons de nous intéresser à Iodysséus. La deuxième est une coïncidence opportune avec une étude que nous menons sur la micro-algue calcifiante la plus répandue des écosystèmes océaniques. Et la troisième : c’est la dimension humaine de ce qui est justement une aventure. À mes yeux c’est aussi important que les deux autres.

Iodysséus - Qu’est-ce qui a changé dans le monde des cosmétiques en deux décennies ?

Romuald Valléee, Codif TN – Voilà 20 ans, quand vous perdiez du collagène votre peau vieillissait, c’était du tout naturel. Aujourd’hui, 20 ans plus tard, le stress corrélé à nos mode de vie, la pollution, les UV, etc., interviennent dans ce processus et l’aggravent. Une des conséquences, c’est que les molécules qui autrefois réactivaient la production de collagène ne suffisent plus désormais. C’est, disons,  « épigénétique » : à savoir que l’environnement moderne exerce une influence certaine sur l’expression de notre ADN – c’est cela l’épigénétique –, en terme de collagène entre autres. Et cela, alors même que la pression sociale exige fortement que nous demeurions actifs, performants et donc « séduisants », au sens large, bien au-delà de 55 ans. Le critère N°1 d’aujourd’hui n’est plus tant de ne pas avoir de rides – soyons réalistes – que de conserver une peau saine à l’éclat naturel, afin – qu’on soit une femme ou un homme –  de continuer à plaire et se plaire. L’objectif en 2019 n’est plus de paraître plus jeune mais de paraître moins âgé, et, à cet égard, la cosmétique tient un rôle sociétal sans doute plus important qu’il n’y paraît et mériterait qu’on s’y penche. Soit dit en passant…

Iodysséus - En quoi les prélèvements de micro-organismes dans des aérosols marins effectués par Iodysséus peuvent-ils y contribuer ?

Romuald Valléee, Codif TN – Parce qu’ils ont traversé, ces micro-organismes, des centaines de millions d’années, ont évolué, résisté, y compris à des extinctions massives de la vie sur terre, et se sont adaptés. Bref, l’épigénétique ou, autrement dit, la pression de l’environnement sur leur ADN, eux, ils connaissent. On a donc énormément à apprendre d’eux. D’autant qu’il s’agit ici de micro-organismes expulsés par les vagues de leur milieu d’origine, l’eau. Ils  affrontent, en milieu ouvert, dans l’atmosphère, les aérosols ou les nuages, des conditions ultra-stressantes où ils doivent s’avérer capables d’inhiber ou neutraliser – question de survie – l’oxydation. Dans un champ beaucoup plus restreint qui est celui de notre peau, de telles capacités représentent un potentiel qu’il s’agit de ne pas manquer d’explorer.

Iodysséus - Il y a un rapport avec l’oxydation coupable du vieillissement de nos propres cellules ? Mais au fait rappelez-nous d’abord ce qu’est l’oxydation ?

Romuald Valléee, Codif TN – C’est un phénomène complexe qui touche la plupart voire presque tous les organismes vivants. Nous concernant, en schématisant,  les pH extrêmes, la  pollution,  les UV du soleil, les  infrarouges ou encore la lumière bleue de votre ordinateur, tout cela, entre autres, bombarde vos molécules. Ce bombardement leur retire un petit morceau, un ou des électrons, qui vont, une fois libérés, en bombarder d’autres provoquant une réaction en cascade. Essayez d’imaginer que ces molécules, devenues instables, se passent une patate chaude et que chacune se brûle à son tour… Résultat, les cellules se démènent, dépérissent et meurent. Entretemps, elles auront donné naissance à des cellules filles déjà à moitié malades, et ainsi de suite. Voilà ce qu’est l’oxydation en résumé.

Iodysséus - La parade ce sont les anti-oxydants. Fait-on mieux que ceux qui sont dans certains aliments ?

Romuald Valléee, Codif TN – Vous voulez parler des polyphénols des fruits (rouges en particulier) et légumes ? Je les appelle kamikazes parce qu’ils s’autodétruisent en capturant les électrons libérés par l’oxydation. Ces polyphénols éteignent les fameuses « patates chaudes » en se sacrifiant littéralement. C’est pour cela qu’il est recommandé, à juste titre, de manger – chaque jour –  cinq fruits et légumes. Ils peuvent servir éventuellement en cosmétique, mais l’alimentation reste leur meilleur source.  En fait, il existe en effet une autre catégorie d’anti-oxydants. Ceux-là parviennent à se saisir de la patate chaude et à la recycler. Autrement dit, ils la refroidissent et, une fois qu’elle est moins brûlante la remettent à sa place. Ces anti-oxydants-là sont les plus anciens et les plus universels, à l’image par exemple de la thiorédoxine, enzyme que l’on trouve dans une micro-algue bleue primitive : dans l’Océan, mais aussi dans les cellules …  de notre peau.

Iodysséus - Vous voulez dire qu’il y aurait en nous quelque chose des algues unicellulaires qui ont « fait » le climat et la vie en produisant de l’oxygène, voilà plus de trois milliards d’années ?

Romuald Valléee, Codif TN – Je vous le confirme. L’algue bleue (Phormidium persicinum) en question appartient à la famille des Phormidiaceae, liée aux cyanobactéries. On en trouve des fossiles vieux de millions et millions d’années. Elle vit dans les glace, les eaux très froides ou encore les cheminées des volcans sous-marins. Et elle possède un système anti-oxydant surpuissant destiné à supporter ces milieux extrêmes. Cet anti-oxydant nous l’avons dans les cellules de notre peau notamment. Leurs mitochondries, c’est-à-dire le « carburateur » leur permettant de respirer et de produire l’énergie indispensable pour fonctionner, présente les mêmes structures que les micro-algues bleues. Comment ? Grâce à ce que l’on nomme l’endosymbiose, à savoir un système de coopération mutuelle entre des micro-organismes simples et les cellules d’organismes plus évolués. La thiorédoxine de l’algue primitive est ainsi passée à des plus grandes algues, puis à des animaux jusqu’à notre espèce humaine au cours de trois milliards d’années d’évolution. Cette enzyme illustre parfaitement la bio-affinité entre nous, notre peau en l’espèce, et les micro-organismes marins  comme l’algue bleue. D’autres passerelles sont à explorer.

Iodysséus - Et elle nous fait paraître moins vieux cette algue sans âge?

Romuald Valléee, Codif TNOui. Si je la cultive de manière particulière, elle qui a résisté à des millions d’années grâce à son anti-oxydant, de façon à obtenir une suspension ou un extrait, je suis capable de stimuler la production de thiorédoxine chez nous. Et ainsi d’avoir des effets anti-taches, anti-âge et régénérant sur notre peau. C’est ce que nous avons réalisé chez CODIF  à partir de souches isolées, par des fous de micro-algues, à Cape Cod dans le Maine, aux États-Unis.

HALL BIOTECH PHOTOBIOREACTEURS

Iodysséus - Cette étonnante bio-affinité justifie la vogue actuelle des cosmétiques issus de la biologie marine ?

Romuald Valléee, Codif TNC’est une indéniable réalité économique.  Autrefois, existaient des marques marines estampillées comme telles. Aujourd’hui,  énormément de marques majeures, pas du tout marines dans leur ADN, emploient dans leurs formulations  énormément d’actifs venant du monde marin.  La raison est double : marketing, parce que le public a besoin de nouveauté, et aussi pratique : le protocole de Nagoya protège désormais les ressources génétiques, la biodiversité et son partage. Avec l’Océan, nous avons un monde encore inconnu, merveilleux, qui fait rêver, et s’avère un gisement d’innovation de nouveauté, dans le respect de Nagoya.

Iodysséus - Dans le respect aussi de la biodiversité et du vivant en général ?

Romuald Valléee, Codif TNDeux fois oui. Nous nous situons aux antipodes de toute  « prédation » et clairement du côté de la préservation de la biodiversité. En effet, nous travaillons à partir d’infimes prélèvements effectués une fois pour toute. Les souches microbiologiques qui nous semblent intéressantes sont patiemment isolées puis mise en culture en bioréacteur dans un process scrupuleusement respectueux de l’environnement. Autrement dit, le prélèvement reste un modèle dont nous nous inspirons dans le cadre d’une relation à l’océan qui est de l’ordre du partenariat.

Iodysséus - Et dans le respects des animaux ?

Romuald Valléee, Codif TNAbsolument, voilà  plus de 15 ans que nous avons totalement cessé, chez CODIF, d’utiliser du collagène d’origine animale. En s’intéressant aux chlorelles, des micro-algues très riches en protéines, nous avons découvert que le profil de leurs acides aminés ressemblait de près à celui du collagène de notre peau. En poussant l’expérience, on s’est aperçu que le collagène en question produisait de meilleurs effets que celui issu des bovins. J’en profite pour préciser que toute expérimentation animale est prohibée chez nous, en Europe, à la différence de la Chine… Mais c’est une autre histoire. 

Iodysséus - La ressource marine concerne aussi notre santé ?

Romuald Valléee, Codif TN – Bien sûr. Nombre de molécules venant du monde marin sont des anti-cancéreux : k’Océan constitue d’abord un réservoir pour la santé. La cosmétique n’en est qu’une partie  avec, si vous voulez, la dermo-cosmétique comme zone frontière. Quand nous employons par exemple des biopolymères, des petits sucres nommé polysaccharides produits par des algues, pour effacer des imperfections ou rougeurs cutanées, il s’agit d’une application ciblée d’une  propriété anti-inflammatoire  qui fait ailleurs l’objet d’études pour la santé humaine.

Iodysséus - Maintenant, jusqu’où va cette bio-affinité entre l’homme et l’océan quand il s’agit, cette fois, des relations entre l’océan et l’atmosphère qui sont au centre du projet Iodysséus ? Quel parallèle faites-vous ?

Romuald Valléee, Codif TN – Je vous demande : qu’est-ce que la peau ? Eh bien, c’est une interface entre l’eau contenue dans notre corps, nos cellules, 60 % d’eau en moyenne, soit 42 litres pour un individu de 70 kg, et l’air qui nous entoure. De la même manière, la surface de l’océan est une interface entre le volume liquide – 1,37 milliard de km³ – et l’atmosphère. La différence est une affaire d’échelle. Dans les deux cas de microscopiques interférences ont des effets globaux. Dans les deux cas, la biodiversité et ses équilibres sont en jeu. Du côté de la peau, on ne cesse de découvrir l’importance de la diversité de son microbiote.  On ne pouvait pas passer, nous CODIF, à côté d’un programme comme Iodysséus qui va chercher des prélèvements à l’interface de l’eau salée, tout comme la surface de la peau (salée, on le sait tous), avec l’air qui nous entoure. Dans les échantillons d’aérosols qu’Iodysséus va recueillir,  peut-être découvrirons nous encore plus de similitudes avec la peau comme autant des coïncidences inspirantes pour des solutions inédites.

Iodysséus - Cela ressemble à un pari …

Romuald Valléee, Codif TN – Oui, un pari, il s’agit de ça. C’est justement le sel de l’aventure que nous partageons avec Iodysséus et avec les hommes et les femmes de son équipe. Je ne souhaite pas à être brûlé en place publique, mais je crois fortement que nous devons pouvoir résoudre beaucoup d’énigmes sur notre fonctionnement à travers l’étude de quelques dizaine de milliers de cellules ou bactéries contenues dans une seule micro-gouttelette d’océan projetée dans l’air par les aérosols. Une goutte ronde comme la terre qui fait le tour de l’Océan en 1000 ans : un très beau modèle d’étude reconnaissez-le.

Iodysséus - L’expédition inaugurale de Iodysséus au printemps prochain vise le bloom breton d’Emiliania Huxleyi, une espèce de micro-algue calcifiante omniprésente dans les eaux tempérées et subarctique. Son écosystème représente la surface de tous les continents réunis. En quoi intéresse-t-elle la cosmétologie ?

Romuald Valléee, Codif TN – La cosmétique, c’est avant tout la beauté, non ? Observez-là bien, Emiliania, elle fabrique naturellement des formes géométriques tellement belles qu’on ne pouvait pas ne pas s’y intéresser. De plus, nous sommes en train de finaliser une étude importante sur cette micro-algue, sur son rôle et sur le pourquoi elle fait d’aussi jolies choses. Ce n’est sans doute pas simplement pour être belle. L’ expédition de Iodysséus sur son bloom  permettra de corroborer ou non – ça c’est une certitude – les résultats modélisés au labo : afin de la cultiver à grande échelle, il nous faut comprendre comment elle vit dans l’océan. Sans dévoiler les finalités de notre étude, on ignore encore comment Emiliania fabrique ses coccolithes ou écailles en excrétant en quelque sorte son organisme. Qu’est-ce qui permet de catalyser ça ? Serait-ce une bactérie qui entrant en symbiose avec elle transmet un messager à l’instar des polysaccharides, ces petits sucres aux vertus anti-inflammatoires et lissantes qui sont justement le fil conducteurs de nos travaux depuis plus de 20 ans ? En outre, le calcium dont elle forme ses mini-boucliers est à la base des liaisons entre les cellules de la peau, sans lui pas de cohésion entre les cellules. C’est pour nous un modèle d’intérêt. 

Chez CODIF Technologie Naturelle, nous avons été les premiers à travailler sur la culture de deux types d’algues calcifiées dont Jania Rubens (Janie rouge), appréciée en cosmétique pour ses propriétés ultra-hydratantes, protectrices, reminéralisantes et énergisante grâce à la production de taurine. Des propriétés qui résultent d’une exceptionnelle concentration en minéraux et oligo-éléments dans  ses  tissus (20.000 à 40.000 fois supérieure à celle de l’eau de mer). Nous avons de plus démontré que l’extrait de cette algue aidait à réguler l’expression des gènes de la minceur et permettait de freiner le stockage des graisses. Quoi de plus ? Cela fait déjà pas mal de bonnes raisons d’aller toujours plus loin aux côté d’Iodysséus, non ?

Janis Ruben (Janie rouge)

CODIF TECHNOLOGIE ET NATURE : 20 ANS À LA POINTE DE LA RECHERCHE SUR LES BIOACTIFS ISSUS DE LA MER

2002 : Les Polysaccharides, hydratants, lissants, anti-inflammatoire

La création de la société CODIF RECHERCHE ET NATURE qui commercialise les extraits produits par CODIF International coïncide avec  le début de la mise en place de procédés biotechnologiques. Ceux-ci permettent d’obtenir des polysaccharides, des « sucres » issus de membranes d’algues brunes (Laminaria digitata, algue brune , Rhodofiltrat palmaria, algue rouge).

2006 : Thiorédoxine, le plus ancien et puissant des anti-oxydants

Il provient de de la micro-algue bleue ancestrale Phormidium persicinum cultivée pour la première fois en bio-réacteur par CODIF.

2009 : Undaria pinnatifida, première algue brune cultivée sur filières dans la Rance 

2011 : La révolution des ExoPolysaccharides (EPS)

CODIF investit dans la société Polymaris Biotechnologie et  commercialise les premiers ExoPolySaccharides Marins, ou EPS, obtenus par fermentation en bioréacteur de micro-organismes marins. Source 100 % naturelle d’actifs marins, ces sucres complexes n’ont aucun équivalent terrestre et ne peuvent être copiés par la chimie de synthèse. Ils représentent un réservoir d’actifs uniques avec des bénéfices inédits pour la peau et ont, pour certains, des effets de surface puissants et instantanés.

2014 : L’extraction par fluides supercritiques.

Ce saut technologique est permis par l’acquisition de la société HITEX au côté d’un acteur majeur du marché des arômes et de la parfumerie .

2015 : La première culture d’algue calcifiée en photobioréacteur 

Jania Rubens (Janie rouge), notamment, offre ainsi à la cosmétique ses capacités ultra-hydratantes, protectrices et reminéralisante. De plus, elle freine le stockage des graisses et agit sur le gène de la minceur.

2016 : Rendre la Nature Techonologique

Pour mieux exprimer ce qui est au coeur de son activité CODIF RECHERCHE ET NATURE devient CODIF TECHNOLOGIE NATURELLE. Illustration, la même année 2016  CODIF réalise une première mondiale en utilisation des fluides supercritiques pour la dépolymérisation de furcellaranes issus d’algues rouges (technologie brevetée).

2017 : première commercialisation d’actifs issus de la culture de plante en hydroponie et sous abris climatiques

2018 : Avec la diffusion du premier actif destiné à rééquilibrer l’ensemble du microbiote cutané en restaurant sa biodiversité, CODIF inaugure une nouvelle ère dans la cosmétique

Aujourd’hui, plus de la moitié des actifs d’origine marine commercialisés par CODIF TN est issue de méthodes de culture en mer, en photobioréacteur ou en bioréacteur. CODIF contribue ainsi au respect et au maintien de la biodiversité marine.

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